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Bruno, le premier tatoueur de Paris

Bruno, le meilleur tatoueur de Paris, et son camion en 1960
Le studio de Bruno, premier tatoueur de Paris
Bruno au travail, dans les années 70
Bruno a écrit un livre : "les vrais, les durs, les tatoués"

Bruno, premier tatoueur parisien

Compagnon de Doisneau, pionnier de l’art corporel, Bruno est aussi le tout premier tatoueur de Paris.

C’est en 1960 que Bruno ouvre les portes du tout premier studio de tatouage de Paris. À l’époque, la discipline est encore marginale et la France à la traîne d’autres pays plus progressistes. Bruno, comme tant d’autres, est tombé dans le tatouage par hasard. À l’occasion d’un voyage en Hollande, où beaucoup des meilleurs tatoueurs de l’époque exerçaient, il découvre l’art corporel, se passionne pour cet univers hors des clous et ressent l’envie d’apprendre à tatouer. De fil en aiguille, il entre en contact avec Peter, à Amsterdam. Dans le milieu du tatouage des années 1960, beaucoup moins connecté qu’il ne peut l’être aujourd’hui, Peter est une sorte de légende. Le courant passe bien entre les deux hommes et c’est tout naturellement que l’un des meilleurs tatoueurs de l’époque accepte de former le jeune Bruno. Ensemble, ils parcourent l’Europe et exercent dans une semi-clandestinité. Pas d’UE, pas de Schengen, les refoulements à la frontière et les incessantes combines lassent Bruno qui aimerait tatouer au grand jour. Il décide de se baser au Havre, comptant sur la vitalité portuaire de la ville normande pour lui ramener de la clientèle ; mais les cargos n’y amarrent que quelques heures pour éviter de payer les taxes françaises. Qu’à cela ne tienne : Bruno prend sa camionnette, direction le boulevard de Clichy, dans le XVIII° arrondissement de Paris dont il devient le premier tatoueur. Le quartier est louche, peuplé de prostituées, de macros et de petits voyous. Mais il vit aussi de solidarité et détient ses propres codes. Tout ce qu’il faut pour que Bruno s’y sente bien.

En 1960, ce métier n’en était pas un : obtenir les papiers nécessaires à l’ouverture d’une boutique de tatouage se révèle un vrai casse-tête car l’administration n’a jamais été confrontée à ce genre de demande. L’aventure clandestine se prolonge donc quelques mois. Finalement, le 6 octobre 1960, le studio ouvre. C’est le jour de la Saint-Bruno. Le tatoueur s’est trouvé un (pré)nom d’artiste.

 

Cinquante ans de création et d’influence : le meilleur tatoueur de Paris

Les outils du tatoueur sont à l’époque rudimentaires, les conditions d’hygiène pas toujours idéales. Mais Bruno se démarque des tatoueurs clandestins et autres artistes de comptoir en proposant une vraie vision artistique et un travail professionnel. Sur les forums, encore aujourd’hui, les témoignages pullulent d’heureux nostalgiques qui racontent comment le meilleur tatoueur de Paris les a sauvé d’un tatouage raté par la grâce de son aiguille en 1978, 1980 ou 1984. Bruno est en situation de monopole, mais dans la pratique, les clients sont rares. Associés au crime, aux malfrats, le tatouage n’attire pas les foules ; quant aux criminels, ils évitent un lieu où ils pourraient potentiellement se faire repérer. Mais le talent finit par l’emporter et les candidats, d’abord timides, affluent finalement au fil des mois puis des années.

C’est que Bruno, en plus de sa patte, brille aussi par sa discrétion ; le mot se répand qu’il est digne de confiance et peu enclin aux questions. Se rendre chez lui, c’est donc s’assurer d’être tatoué – et bien tatoué – mais également de ne pas avoir à s’en justifier. Progressiste, n’aimant pas se mêler des affaires des autres, Bruno séduit par son approche graphique et humaine et contribue à populariser le tatouage à Paris.

Le succès aidant, Bruno se fait un nom sur la scène internationale. Il maintient le contact avec les autres tatoueurs qu’il a rencontrés dans le temps de ses voyages avec Peter ; Bruno multiplie les déplacements en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie pour rencontrer ses pairs. Le meilleur tatoueur de Paris s’invite à la table de ses collègues du monde entier pour échanger techniques, conseils, méthodes ou instruments. Les conventions n’existent pas ; il faut tout organiser soi-même. Peu à peu, au profit de ces échanges, son trait devient plus sûr, plus créatif, plus habile et sa notoriété dépasse le simple cadre des tatoués et des voyous pour intéresser les artistes. Bruno est un personnage ; il tatoue aussi des célébrités. Doisneau lui rend visite et prend en photo ses pièces. Elles font le tour du monde, créent des vocations. Bruno publiera même un ouvrage : « Tatoués, qui êtes-vous ? » qui servira de référence pour une génération à venir. À partir des années 1970, les studios de tatouage commencent en effet tout doucement à fleurir à Paris.

 

 

Une référence pour les meilleurs tatoueurs parisiens

Et ces nouvelles recrues se tournent vers Bruno pour assurer leur formation. L’intéressé affirme avoir formé 300 ou 400 tatoueurs durant ses années d’activité. Car Bruno a fini par prendre sa retraite au tournant des années 2000, à 60 ans révolus, en raison d’un trouble visuel. Mais son œuvre continue de fleurir, grâce à ses héritiers qui aujourd’hui font les beaux jours du tatouage à Paris et ailleurs. Pionnier d’une génération, Bruno a initié d’une certaine façon ce boom du tatouage qui éclate aujourd’hui et permet à des artistes d’exception de s’exprimer librement. La France, malgré un retard chronique, recèle désormais de tatoueurs de très haut niveau, dont certains sont connus et reconnus au-delà de leur simple cercle. Parmi les meilleurs tatoueurs de Paris, des artistes comme Dimitri HK, Tin-Tin, Stéphane Chaudesaigues ou Laura Satana n’auraient jamais pu voir le jour si Bruno n’avait pas tout déclenché.

Pourtant, et de l’aveu même de Bruno, le tatouage a beaucoup évolué. Aujourd’hui, l’artiste peut s’exprimer plus pleinement encore grâce aux nouveaux instruments et à une reconnaissance plus forte. Bruno, lui, regrette le temps où le tatouage était attaché à une symbolique très forte et parfois religieuse ou mystique, mais reconnaît la qualité graphique du travail des artistes d’aujourd’hui. Pour lui, le métier n’a pas changé ; il s’est diversifié.

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