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Sailor Jerry, un père fondateur
C’est une histoire de voyage. Une aventure initiatique. La vie de Sailor Jerry, marin, artiste prolifique, pirate, gentleman, avant-gardiste dans tous les compartiments de sa vie, se situe quelque part entre celles de Joseph Conrad, Jack Kerouac et Corto Maltese. Sailor Jerry a légué au monde du tatouage un patrimoine exceptionnel, empreint de liberté et de découverte, contribuant à sa renommée aux Etats-Unis et dans le monde entier. L’histoire commence en 1911.
La jeunesse d’un grand du tatouage
Né en 1911 à Reno dans le Nevada, Norman Keith Collins fait son éducation buissonnière en voyageant clandestinement dans les trains de marchandises qui parcourent le territoire américain. Beat avant l’heure, il s’initie au tatouage à Chicago auprès de Gibbs « Tatts » Thomas. Les années 1920 battent leur plein, la crise n’est pas loin, et Sailor Jerry apprend les rudiments de la machine à tatouer. Ses premiers clients sont d’autres vagabonds sur lesquels il se fait la main. Mais sa soif d’ailleurs ne s’épanche pas et Sailor Jerry ne tarde pas à prendre la mer, direction l’océan indien, avant de s’installer quelques années à Hawaï. La mer sera son terrain de jeu. Il s’engage en 1930 dans l’US Navy et est envoyé en Asie du Sud-Est où sa passion pour le tatouage prend une nouvelle tournure au contact des imageries chinoises, japonaises et indiennes. Il restera toute sa vie en contact avec des maîtres tatoueurs japonais.
Sailor Jerry invente le tatouage moderne
L’apport de Sailor Jerry au tatouage est à la fois technique et esthétique.
D’un point de vue technique, Sailor Jerry a développé sa propre gamme de pigments, multipliant ainsi la gamme de couleurs des encres. Ses recherches l’amenèrent également à révolutionner les types d’aiguilles utilisées, minimisant leur impact négatif sur la peau et généralisant la stérilisation de son matériel, quitte à le rendre jetable.
Sur le plan esthétique, son souci du détail était totalement novateur pour l’époque. Il est également l’un des fer de lance du style old school à traits épais, représenté notamment par des pin-ups plantureuses, une imageries marine luxuriante et un univers très bad boy, qu’il mélangera à ses influences asiatiques pour créer son propre style. Souvent copié, jamais égalé, il passa une grande partie de sa carrière à Honolulu où ses différents salons de tatouage attiraient une clientèle venue de toute l’Amérique. Jusqu’à sa mort, en 1973.
L’héritage d’un des premiers grands tatoueurs occidentaux
Sailor Jerry, artiste aux multiples facettes, voyait dans le tatouage un rempart contre l’étroitesse d’esprit d’une Amérique repliée sur elle-même et sur ses valeurs conservatrices. Son travail était aussi un engagement moral, qu’il a eu à cœur de transmettre à ses deux protégés, Ed Hardy et Mike Malone, lesquels se sont distingués en perpétrant l’œuvre de leur maître, exerçant également le métier de tatoueur et travaillant à la reconnaissance posthume du travail de Sailor Jerry.
Cette reconnaissance est passée par la diffusion des œuvres du tatoueur via des produits de consommation : Hardy et Malone ont donné leur accord pour que des vêtements et des objets ornés des dessins de Sailor Jerry voient le jour, en contrepartie d’une aide accordée aux nouveaux talents musicaux. De même, la marque de chaussures Converse a acquis plusieurs dessins de tatouages et les a fait figurer sur une ligne exclusive. Enfin, en clin d’œil à l’amour porté par Sailor Jerry au monde insulaire, un rhum Sailor Jerry, distillé aux Îles Vierges, a été commercialisé, d’après une recette de rhum épicé composée par l’artiste lui-même.
Sailor Jerry aura légué au monde du tatouage une partie de sa modernité. Mais sa postérité va plus loin encore, sa figure d’artiste vagabond en rébellion contre l’ordre établi figurant en bonne place dans l’imaginaire beatnik et la littérature d’aventure.