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Quand le tatouage était bien vu
L'histoire est pleine de leaders tatoués
Contrairement aux idées reçues, le tatouage n’a pas tout de suite été l’apanage des voyous et des marins. Cette conception de l’art corporel n’est apparue qu’au XIX° siècle dans le monde occidental car la plupart des tatoués étaient alors des voyageurs, encrés au détour de séjours en Asie ou en Polynésie, dont la vie mouvementée ne cadrait pas avec le modèle social dominant. Pourtant, certains grands rois et dirigeants, y compris occidentaux, portaient déjà des tatouages au XVII° siècle, quand l’art corporel était considéré comme un signe de distinction ou de force, quand le passé militaire était valorisé.
Des rois tatoués à partir du XVII° siècle
Le tatouage arriva en Europe au retour des expéditions coloniales, aux XVI° et XVII° siècles. Il se répandit assez vite dans la société, gagnant en priorité l’aristocratie et les officiers militaires. Ainsi, le Tsar Pierre le Grand (1682-1725), qui fonda la ville de Saint-Petersbourg sur le modèle des grandes cités européennes hollandaises et françaises, portait une hachette sur le poignet droit. L’homme n’en était pas à sa première excentricité : selon certains historiens, Pierre le Grand aurait été bisexuel, lié notamment à un aventurier suisse. Il inspira sans aucun doute son lointain successeur, Nicolas II (1868-1918), qui se fit tatouer une épée sur la poitrine lors d’un pèlerinage à Jérusalem. Voilà pour les tsars.
Le cousin de Nicolas II, le roi d’Angleterre George V (1865-1936), portait lui aussi un tatouage sur le bras, en souvenir de son passage dans la marine. Son père, le roi Edouard VII, en portait un avant lui, son fils, George VI, l’imita par la suite.
Au Danemark aussi, le tatouage gagna la royauté. Christian V (1646-1699), Frédérick VIII (1843-1912) et Frédérick IX (1899-1972) portèrent tous des tatouages. Frédérick IX vécut assez vieux pour connaître le tatouage sédentarisé et se fit encrer un dragon chinois sur le torse par un tatoueur célèbre, l’Anglais George Burchett.
Enfin, un autre roi notable se fit tatouer un symbole intéressant : il s’agit de Jean-Baptiste Bernadotte, français d’origine devenu roi de Suède et de Norvège en 1818 sous le nom de Charles IX Jean de Suède qui, en souvenir de la révolution et de sa dévotion à Napoléon Ier, portait sur le bras gauche un bonnet phrygien, ainsi que la devise française Liberté Égalité Liberté Fraternité. Son tibia affichait quant à lui la sentence infligée à Louis XVI : La mort du roi.
Plus récemment
D’autres grands dirigeants du XX° siècle arborèrent un tatouage, à commencer par l’archiduc François Ferdinand dont l’assassinat à Sarajevo propulsa l’Europe dans la Première Guerre Mondiale : d’après le rapport d’autopsie, le projectile mortel aurait pénétré son corps au travers d’un serpent tatoué sur son torse.
Trois grands personnages de la guerre de 40 portaient eux aussi des tatouages : Staline, Churchill et Roosevelt. Le premier arborait une tête de mort sur la poitrine ; le second une ancre de marine sur le bras gauche ; le troisième un écusson familial sur le bras. Yalta était donc une véritable convention de tatouage !
Leur cas ne constituait d’ailleurs pas une exception pour l’époque : avant Franklin, Theodore Roosevelt lui aussi avait porté un tatouage en témoignage de ses jeunes années militaires, puis plus tard Harry Truman et John Fitzgerald Kennedy.
Aujourd’hui, le tatouage, malgré l’engouement qu’il suscite, souffre encore d’une réputation sulfureuse qui empêcherait de toute façon les dirigeants actuels de dévoiler leur pièce s’ils en portaient une. Serait-ce le signe d’une normalisation accélérée du leadership mondial ? En tous les cas la preuve que le chemin sera long jusqu’à l’acceptation pleine et entière du tatouage dans toutes les strates de population. Élections oblige.