Vous êtes ici

Le SNAT et ses différences d’avec Tatouage & Partage

tatouage_partage_snat_statut_tatoueur

Avec l’association Tatouage & Partage, le SNAT constitue l’une des forces motrices dans le tattoo français. Tattoos.fr vous parle plus en détails de ce syndicat et des points de clivage entre les 2 organisations.

Le Syndicat national des artistes tatoueurs, fréquemment appelé par son acronyme SNAT, est une association loi de 1901 créée en 2003 sous l’impulsion de 2 tatoueurs :

  • Tin-Tin
  • Rémy

Leur motivation ? Répondre à une carence d’organisation dans le monde du tatouage français, et mettre en place une structure capable d’associer les tatoueurs aux décisions du législateur et de l’administration fiscale face au développement de la discipline et à la perspective de voir refleurir les ateliers clandestins en l’absence d’une législation claire encadrant la pratique. Sur son site officiel, l'organisation se déclare "pour la reconnaissance du tatouage artistique et la défense des artistes tatoueurs en France".

Tatouage & Partage : une réponse au SNAT

Depuis, une autre association de tatoueurs professionnels a vu le jour : Tatouage & Partage. Au début des années 2010, le tatoueur Stéphane Chaudesaigues quitte le SNAT à la suite de désaccords avec la politique menée par le syndicat. Son ambition, c’est celle-ci : offrir aux tatoueurs de France une alternative et un contrepoids de qualité pour un dialogue efficace et constructif.

Et de dialogue, le (plus-si-)petit monde du tatouage hexagonal en a bien besoin face à une explosion de l’encrage dans le pays. En effet, l’IFOP estime que près de 10 % des Français arboreraient un tattoo, confirmant l’exceptionnel essor de la discipline en Occident depuis plusieurs années.

Le tatoueur exerce un métier qui n’existe pas

Les 2 organisations ont en commun une farouche envie de défendre chaque acteur de la profession en France. Car oui : malgré leur popularité croissante, les tatoueurs professionnels pâtissent toujours du manque de socle commun permettant au tatouage de s’affirmer comme un métier à part entière. Jusqu’à nouvel ordre, les tatoueurs sont toujours associés, dans la codification de l’INSEE, au matricule 9609Z. 5 caractères qui les classent dans la même catégorie que les toiletteurs de chiens ou les agences matrimoniales, entre autres inepties…

Si la comparaison avec le toilettage animalier ou les pratiquants de la tarologie peut prêter à sourire, elle perd toute portée humoristique lorsqu’on sait qu’elle prive les tatoueurs de certaines caractéristiques. Parmi celles-ci figure l’impossibilité :

  • de former officiellement des apprentis
  • de reconnaitre la participation du conjoint collaborateur
  • de bénéficier d’une assurance professionnelle

Le statut d’artiste pour tous les tatoueurs ?

Ce manque de vrai statut chez les tatoueurs de France a poussé le SNAT à en réclamer un, et pas n’importe lequel : celui d’artiste. Le ton est donné dès la page d’accueil du site de l’organisation : "Pour la reconnaissance du tatouage artistique et la défense des artistes tatoueurs en France". C’est de ce postulat qu’est né le désaccord entre le SNAT et l’association Tatouage & Partage.

Le SNAT considère que tous les tatoueurs de France, sans exception, doivent être reconnus comme des artistes, posant une question à la fois philosophique et juridique : tous les tatoueurs sont-ils des artistes ?

Qu’est-ce qu’un artiste ? Une définition linguistique et juridique

Le Larousse apporte 2 définitions au nom d’artiste. Pour le dictionnaire, il peut s’agir :

  • d’une personne qui exerce professionnellement un des beaux-arts ou, à un niveau supérieur à celui de l'artisanat, un des arts appliqués
  • d’une personne qui a le sens de la beauté et est capable de créer une œuvre d’art

L’article 98 A de l'annexe 3 du Code général des impôts vient, lui, apporter une définition juridique au terme. Il stipule :

II. Sont considérées comme œuvres d'art les réalisations ci-après :

1° Tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l'artiste, à l'exclusion des dessins d'architectes, d'ingénieurs et autres dessins industriels, commerciaux, topographiques ou similaires, des articles manufacturés décorés à la main, des toiles peintes pour décors de théâtres, fonds d'ateliers ou usages analogues ;

2° Gravures, estampes et lithographies originales tirées en nombre limité directement en noir ou en couleurs, d'une ou plusieurs planches entièrement exécutées à la main par l'artiste, quelle que soit la technique ou la matière employée, à l'exception de tout procédé mécanique ou photomécanique ;

3° A l'exclusion des articles de bijouterie, d'orfèvrerie et de joaillerie, productions originales de l'art statuaire ou de la sculpture en toutes matières dès lors que les productions sont exécutées entièrement par l'artiste ; fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l'artiste ou ses ayants droit ;

4° Tapisseries et textiles muraux faits à la main, sur la base de cartons originaux fournis par les artistes, à condition qu'il n'existe pas plus de huit exemplaires de chacun d'eux ;

5° Exemplaires uniques de céramique, entièrement exécutés par l'artiste et signés par lui ;

6° Emaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main, dans la limite de huit exemplaires numérotés et comportant la signature de l'artiste ou de l'atelier d'art, à l'exclusion des articles de bijouterie, d'orfèvrerie et de joaillerie ;

7° Photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus.

L’organisation de Tin-Tin pour le statut d’artiste…

Le SNAT milite pour la reconnaissance du statut d’artiste pour tous les tatoueurs car il estime que chaque acteur du tatouage en France répond à la définition morale du terme et que, de fait, l’article 98 A de l’annexe 3 du Code général des impôts peut être légitimement amendé. Cet amendement n’aurait pas seulement une portée philosophique, mais aussi et surtout une portée fiscale. Car en effet, qui dit artiste dit taux de TVA réduit et cessation des cotisations au RSI.

… et l’association de Stéphane Chaudesaigues, pour le statut d’artisan d’art

Chez Tatouage & Partage, on a une vision aux antipodes de celle du SNAT. L’association milite non pas pour l’obtention du statut d’artiste pour tous les tatoueurs, mais pour celui d’artisan et plus particulièrement d’artisan d’art. Pour l’organisation présidée par Stéphane Chaudesaigues, tous les tatoueurs de France ne sont pas des artistes. En effet, nombreux sont les professionnels appliquant une commande simple de la part d’un client : un cœur sur le poignet, un scarabée sur la hanche, un signe de l’infini sur le doigt, ou encore une flèche sur la poitrine. Certains font preuve d'une vraie création de l'esprit et d'une qualité de réalisation équivalente – Tatouage & Partage le reconnait. Pour cette raison, l’association présidée par Stéphane Chaudesaigues appelle à la possibilité pour ceux qui justifieront d’un niveau élevé, d’avoir une partie de leur production comme étant artistique à l’intérieur du statut d’artisan d’art. Pour Tatouage & Partage, Bercy n’abandonnera jamais la manne que représentent la TVA et le RSI au profit de tous les tatoueurs se revendiquant, parfois à raison, souvent à tort, comme artistes.

MDA ou INMA ?

Si le SNAT milite donc pour une adhésion de tous les tatoueurs à la Maison des Artistes (MDA), Tatouage & Partage, elle, est pour une inscription du tattoo à l'Institut National des Métiers d'Art (INMA). Cette organisation référente incorpore des corps de métiers tels que ceux de costumiers, enlumineurs, forgeron ou encore ébéniste. L’un de ses principaux points forts ? Elle permet à un maître de former un apprenti officiellement. De plus, l’association rappelle qu’il est extrêmement valorisant, en termes de qualité de travail, de pouvoir être reconnu comme artisan d’art.

Derrière la question du statut du tatoueur, celle de la formation diplômante

Car c’est là aussi l’un des points de divergence entre le SNAT et Tatouage & Partage. Pour l’association de Tin-Tin, un diplôme pour les tatoueurs est une solution inadaptée : le tattoo est ancré dans une tradition d’apprentissage "sur le tas", entre les murs d’un tattoo shop, et la création d’un diplôme verrait une recrudescence de candidats tatoueurs néfaste à la qualité des réalisations.

Les membres de Tatouage & Partage, eux, sont convaincus du contraire. Pour eux, une formation diplômante et reconnue par l’Etat (traduction : pas une école à but purement lucratif comme on en croise ça-et-là) permettrait justement d’avoir affaire à des professionnels de qualité triés sur le volet et formés aux différents aspects du métier. En effet, il ne pourra pas y avoir plus d’élèves que de maitres d’apprentissage, ce qui réduirait le nombre de candidats par rapport à la situation actuelle – un avantage de taille plus seulement pour les professionnels… mais aussi et surtout pour les tatoué(e)s.

Une formation de 21 heures insuffisante

Car à l’heure actuelle, le seul et unique prérequis pour tatouer sur le sol français est de se soumettre à une formation à l'hygiène d'une durée de 21 heures auprès d'un organisme. Cette formation en poche, n'importe qui peut tatouer en France en toute légalité... au détriment, parfois, de la qualité. Si chez Tatouage & Partage, on est clairement opposé à cette seule condition pour tatouer légalement en France, on est plus mesuré au SNAT, certains membres étant directement impliqués dans ces formations à l’hygiène. Les 2 courants du tattoo professionnel en France ont décidemment plus d’un débat sur le feu…

Voir tous les articles sur :   Tatouage inclassable