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Le tatouage dans les films

Film tatouage
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Tatouages au cinéma

Qu’il serve directement l’intrigue ou participe juste à l’ambiance générale du film, le tatouage s’invite très régulièrement au cinéma. Il ne s’agit pas là d’un phénomène de mode mais d’une tendance de fond, particulièrement dans les thrillers, qui se manifeste depuis les années 1950. Dans cette petite rétrospective du tatouage au cinéma, Tattoos.fr vous propose de revenir sur les films marquants qui ont jalonné l’histoire de l’art corporel et contribué à sa popularité.

 

La nuit du chasseur, le classique absolu (1956)

« Ah, petit gars, tu regardes mes doigts ! Que penses-tu d’une petite histoire à propos de la main gauche et de la main droite, une histoire sur le bien et le mal ? H-A-T-E, c’est avec cette main gauche que le vieux Caïn a tué son frère. L-O-V-E, vous voyez ces doigts ? Ces doigts ont des veines qui remontent jusqu’à l’âme de l’homme. La main droite, mes amis, la main de l’amour. Maintenant, je vais vous raconter l’histoire de l’humanité. Ces mains étaient toujours en train de se battre. Regardez : la main gauche adore se battre, on dirait que l’amour est fichu, mais attendez ! L’amour est en train de gagner, oui, parfaitement ! C’est l’amour qui gagne et la bonne vieille main gauche reste sur le carreau. »

Cette scène culte de La nuit du chasseur, le seul et unique film de Charles Laughton (1956) a inspiré toute une génération de réalisateurs. Robert Mitchum, terrifiant en révérend Harry Powell, porte sur chacune de ses mains un tatouage à la gloire de l’amour et de la haine. Symboles d’une humanité en proie à ses démons et d’un personnage qui cache son véritable visage, les tatouages de Robert Mitchum sont devenus partie intégrante de la culture populaire, illustrant à eux seuls le film sur son affiche lors de sa ressortie en France en 2006. De nombreux cinéastes leur ont rendu hommage ; on pense à Spike Lee qui, dans Do The Right Thing (1993), a affublé son personnage de Mookie de deux tatouages identiques.

 

Le tatoué (1968), Modigliani, Gabin et de Funès

En 1968, Denys de la Patellière, à qui l’on doit les Grandes Familles, retrouve Jean Gabin, son acteur fétiche, sur le tournage du Tatoué. Quatrième et dernier film faisant figurer à la fois Louis de Funès et le grand Gabin, Le tatoué raconte l’histoire de Félicien Mezeray (Louis de Funès), un brocanteur d’art, qui découvre sur le dos d’un ex-légionnaire une pièce réalisée par Modigliani (une situation qui n’est pas sans rappeler les récentes révélations de Kate Moss à propos de Lucian Freud). Décidé à la lui racheter, il s’engage à reconstruire la maison de campagne de Gabin, ignorant bien sûr qu’il s’agit là d’un château Renaissance en ruines.

Le tatoué marque un tournant dans l’histoire du tatouage en France. Pour la première fois, le tatouage, loin d’être un accessoire anecdotique associé à la marginalité, devient le protagoniste principal d’une intrigue populaire. S’il est bourru, le légionnaire Gabin n’en est pas moins un brave type, en aucun cas un criminel. 1968 : le signe d’une page qui se tourne.

 

L’homme tatoué (1969)

Petit bijou expérimental, L’homme tatoué, de Jack Smight, est adapté d’une nouvelle SF de Ray Bradbury (Farheneit 451), The illustrated man. Paul Newman et Burt Lancaster ayant décliné, c’est Rod Steiger qui y tient le rôle titre. Ce dernier veut retrouver et tuer la femme qui lui a recouvert le corps de tatouages ; car de fait, ces tatouages sont magiques et font vivre à ceux qui les regardent trop longtemps une histoire passée, présente ou future. La seule partie vierge du corps de Steiger, dans son dos, dévoile sa mort à l’imprudent voyeur.

Si les tatouages servent ici d’éléments d’ambiance, plaçant le personnage de Steiger dans une bizarrerie étudiée et vaguement inquiétante, L’homme tatoué insiste dans sa construction sur le caractère personnel de l’art corporel, dans un rapport au corps et à l’histoire intime assez moderne. Chaque tatouage, symbole d’un événement passé ou à venir, se lie à tous les autres pour raconter visuellement toute la vie d’un homme. Tout est dit sur le corps.

 

Papillon (1973)

Adapté du roman éponyme d’Henri Charrière, le film de Franklin J. Schaffner raconte les tentatives d’évasion d’un détenu tatoué (Steve McQueen) depuis son bagne de Cayenne. À la fois réflexion sur la liberté et pamphlet contre les conditions de détention, Papillon ne sacrifie pas l’action  au message et propose plusieurs scènes d’évasion spectaculaires. La description du personnel carcéral, corrompu, vicieux, sert de contrepoids à la noblesse de coeur d’un Steve McQueen plus naturel que jamais et dont la fraicheur d’âme broyée par l’enfermement se résume entièrement à son tatouage : un papillon.

 

Tatuaje (1976)

Ce film barcelonais de 1976, réalisé par Bigas Lunas, constitue la première adaptation cinématographique des aventures du détective Pepe Carvalho. Le film s’ouvre ainsi : un corps surgit des flots, le visage dévoré par les poissons, méconnaissable. Sur son bras, une phrase tatouée : « Je suis né pour révolutionner l’enfer ». Pepe Carvalho mène l’enquête.

Monument méconnu du cinéma post-franquiste, Tatuaje, dont la postérité est assez confidentielle, constitue un excellent thriller réalisé dans Barcelone encore très industrielle et assez pauvre. La noirceur de l’enquête colle au cadre d’une ville envahie par les fumées et les cloaques. Portrait d’une époque qui se cherche, entre liberté et conformisme, le film évoque une société morcelée et affaiblie par le franquisme, en proie à un mysticisme récurrent. Plus que le point de départ de l’intrigue, le tatouage du cadavre concentre à lui seul cette ambiance louche de ruelles imbriquées.

Tatuaje marquera une rupture dans le cinéma espagnol, et notamment barcelonais ; d’abord par sa bande-son, qui jettera les bases de la Onda Layetana, un courant musical catalan qui dominera la production culturelle des années 1970. Ensuite parce qu’il sera l’instigateur d’un bouillonnement culturel incitant à la petite production cinématographique et qui permettra aux grands noms du cinéma espagnol de faire leurs gammes.

 

Les nerfs à vif (remake 1991)

Remake du film de Jack Lee Thompson sorti en 1961 avec Robert Mitchum (encore lui) et Gregory Peck, Les nerfs à vif modernise la persécution en confrontant Nick Nolte à Robert de Niro. Principal changement : contrairement à Mitchum, dont la puissance physique et le regard lubrique suffisaient à terrifier le spectateur, de Niro porte pour son rôle de Max Cady des tatouages inquiétants. Des tatouages qui, d’ailleurs n’étaient pas prévus au scénario ! C’est de Niro lui même qui prit l’initiative de se faire tatouer, espérant pouvoir ainsi faire du corps de son personnage un reflet de sa personnalité. Une idée qui ne plut pas du tout au réalisateur Martin Scorcese. Pourtant, au visionnage, et malgré l’excellente prestation de de Niro, ce sont bien les tatouages qui permettent à ce Max Cady version 1991 de rivaliser de charisme avec Mitchum. La violence accrue du film et l’abondance de ces tatouages donnent en effet au film une identité plus actuelle qui légitime d’elle même l’existence du remake.

 

Memento (2000)

Christopher Nolan met en scène le personnage de Leonard Shelby, un homme atteint d’une forme d’amnésie rare et qui traque sans relâche l’assassin de sa femme. Pour ne pas perdre de vue son objectif malgré la maladie, il s’est couvert le corps de tatouages et accumule les notes qui retracent l’avancée de son enquête.

Memento amorce d’une certaine manière ce que fera plus tard Prison Break. Le caractère utilitaire du tatouage sert aussi à créer un cadre, celui d’une folie contrôlée, et sert de parabole à l’idée d’un corps témoin de toute une vie, qui enregistre tout, qui ne faillit jamais.  

 

Millenium (2008)

Dans Millenium, l’adaptation par Niels Arden Oplev du roman de Stieg Larsson, Liseth Salander, une marginale supérieurement intelligente, s’est fait tatouer un corbeau gigantesque et légèrement abstrait dans le dos. Mais le tatouage intervient à bien des endroits, servant notamment la narration lorsque Lisbeth le retourne contre le contrôleur judiciaire qui la viole à répétition, inscrivant sur son ventre : « Je suis un porc sadique, un pervers et un violeur » pour se débarrasser de lui.

Indélébile, le tatouage n’oublie rien, enregistre tout. Cette dimension éternelle, à l’échelle d’une vie humaine, trouble et fascine, jette un voile malaisé sur l’intrigue scandinave où, derrière les manières policées, la violence règne comme partout. 

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